CROSSCAMP

 

 

Chemin : bande de terre sur laquelle on marche à pied .
La route se distingue du chemin non seulement parce qu'on la parcourt en voiture, mais en ce qu'elle est une simple ligne reliant un point à un autre.
La route n'a par elle-même aucun sens ; seuls en ont un les deux points qu'elle relie.
Le chemin est un hommage à l'espace.
Chaque tronçon du chemin est en lui-même doté d'un sens et nous invite à la halte.
La route est une triomphale dévalorisation de l'espace, qui aujourd'hui n'est plus rien d'autre qu'une entrave aux mouvements de l'homme, une perte de temps.

Milan Kundera

 

 

 

Le voyageur demande le beau temps, le paysan demande la pluie, et les dieux hésitent.

Lao Tseu

 

 

 

Longtemps je me suis fait de la vie une exigence de parcours. Rien ne fut donc plus précieux pour moi que les voyages puisqu’ils avaient potentiellement cette force : celle de faire jaillir le neuf, le virginal des filles, l’inouï. M’offrir plus que l’univers humain : le Divers ! Pendant des années, je me suis abreuvé de différences. Puis progressivement, j’ai senti que ma fraîcheur déclinait. À mesure des rencontres bien sûr, dont rares devenaient celles qui me touchaient au vif. Mais en vertu aussi, et plus intimement, de ce sentiment que les bonds hors de moi qui avaient si longtemps fait mon charme, disons-le, s’atrophiaient. Et qu’au fond, à ceux que je croisais, je demandais de m’émerveiller tandis que moi, passif, en attente, tel un poussah de fate engeance, j’avais perdu jusqu’à la soif du divers. J’étais un nomade, certes et toujours. J’en exhibais, sur mon pull d’arlequin, les preuves. J’avais toujours au creux des lèvres quelque histoire torse rapinée en village. Mais dans mon esprit, je ne voyageais plus. Je me répétais. Je redondais, au lieu de vagabondir. J’étais devenu comme une outre qui attend d’être remplie et qui se vide devant le premier seigneur.

Alain Damasio. La horde du contrevent.

 

 

 

Ma bohème

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse ! Et j'étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! Que d'amours splendides j'ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

Arthur Rimbaud (Cahier de Douai. 1870)


 

 
Ah ! donnez-moi le vent du soir sur les prairies, 
Et l'odeur du foin frais coupé, comme en Bavière 
Un soir après la pluie, sur le lac de Starnberg.

 Valery Larbaud. (de « Le vent du soir » par Jean d'Ormesson)

 

 

 

 
Le soleil n'est jamais si beau que le jour où on se met en route.


Jean Giono

 

 

 


La prudence est une vieille fille riche et moche que courtise l'impuissance.


William Blake