Mardi, 6 mai. Selakano au plateau de Limnikaro
Dénivelé positif : 1400m Dénivelé négatif : 1530m Durée : 8h Grand bleu ce matin ! Une folle rosée me trempe les pieds et la tente est bien mouillée mais elle sèchera vite. La météo semble avec nous et la traversée du Dikti s’annonce bien. Montée lente mais efficace d’abord dans une forêt de chênes verts splendides. Leurs troncs épais et tortueux sont autant d’œuvres d’art. Ils en ont des choses à raconter si on y prête une oreille attentive et bienveillante.
Le sentier est bien marqué et bien balisé.
Un mitato est atteint sur un épaulement herbeux sillonné de multiples sentes de moutons. La lumière encore rasante illumine cette cabane montée en pierres sèches. Abri d’un berger, elle est déserte ce matin mais elle n’est pas abandonnée. De nombreuses traces de vie se cachent entre chaque moellon, des bouts de ficelle et de fil de fer, des outils, des gamelles, des bouts de bois… une vraie boîte à clous de grand père en plein air. Chaque chose même insignifiante, a son utilité et rien n’est placé au hasard. Je ne sais pas pourquoi mais ça me fait penser au contenu de mon sac à dos. Rien de ce que j’y ai placé n’est dû au hasard, rien n’est superflu. Si c’est là, c’est que ça doit être là.
Petite halte à la source d’Asfendami où coule une eau fraîche et abondante. Une géocache y est dissimulée et vite trouvée. Peu de visites enregistrées… Placée en 2011, je ne suis que le troisième à y mettre un petit mot. Décidément, les montagnes crétoises ne sont guère fréquentées. On parvient à l’Avasami Pass (1800 m) où on cache nos sacs pour continuer, plus légers, vers le sommet du mont Dikti (2148 m). 55 minutes de montée. Un aigle nous survole. Le paysage est aride, désert et minéral. Une couche de nuages gris flotte au-dessus de nous et le brouillard monte en suivant le versant nord. Ses volutes soulignent les crêtes, les vallons, les gorges et les aiguilles de Spathi.
Le vent est froid et on ne parvient pas à trouver un endroit de bivouac. Même au fond des dolines, pas moyen de s’y abriter. Et le temps de se faire un petit thé, on décide de continuer à descendre. Un large vallon file plein nord et vient mourir sur le plateau de Limnikaro, au pied des aiguilles qui montent à l’assaut du Dikti.
On plante la tente devant la chapelle d’Agios Pnevma, sur une pelouse recouverte de pâquerettes. On prend de l’eau chez un couple de randonneurs qui regagnent leur véhicule. Ils nous cèdent volontiers une pleine bouteille, de quoi passer la soirée sans se priver.
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Mercredi, 7 mai. Plateau de Limnikaro à Kastelli
Dénivelé positif : 380m Dénivelé négatif : 1160m Durée : 9h Après le beau temps de la veille, aujourd’hui ça va être gris, venteux et brouillard. On a eu une chance énorme, hier, d’avoir eu cette fenêtre météo pour le Dikti. Parce qu’avec le brouillard, on aurait eu bien du mal à s’en sortir. Les balises et les cairns qui jalonnent le chemin n’auraient pas été suffisants.
On descend sur Agios Georgios, les portes du plateau du Lassithi, poljé fertile où les cultures maraîchères sont reines. Une armée d’ouvriers agricoles, des albanais pour la plupart s’y activent dès le matin. Les célèbres moulins à vent ne tournent plus mais dressent encore leurs structures métalliques et viennent chatouiller un ciel bas et bien noir.
Pause café à Agios Georgios dans un kafenion hors d’âge où quelques vieux crétois sont assis autour d’un poêle à bois. Il ne fonctionne pas aujourd’hui mais on les imagine bien, assis à la même place pendant l’hiver. Dehors, quelques hommes et femmes, des albanais, attendent de l’embauche pour le travail au champ. Au passage, les femmes se moquent gentiment de nous avec nos gros sacs et nos mollets à l’air. La patronne du café nous donne à chacun trois noix. C’est étrange comme ces trois noix avaient soudain beaucoup plus de valeur que trois noix ramassées sous un arbre. Elles sont restées dans le fond de ma poche jusqu’à une pause en fin de journée et je les ai appréciées à leur juste valeur. Le plateau du Lassithi est vraiment plat et les routes vraiment droites. Mais ce macadam n’est pas désagréable, au milieu des champs et du ronronnement des pompes à eau qui remplacent désormais les célèbres éoliennes. On quitte le poljé un peu après Kato Metohi, là où les eaux de surface viennent se perdre sous terre.
On emprunte alors un ancien chemin de muletier qui monte à travers le brouillard qui s’épaissit, jusqu’au monument de Tulli (pacha qui fut exécuté à cet endroit pour les atrocités commises contre les chrétiens…). On descend sur un magnifique sentier pavé qui était, jadis, la principale voie d’accès au plateau du Lassithi. De lacets en lacets, ce chemin est d’une rare esthétique.
Depuis le monument de Tulli, on quitte la province du Lassithi. Les balises E4 rencontrées jusqu’à présent semblaient récentes et relativement fréquentes. A partir de maintenant, elles seront sporadiques et souvent très vieilles. Le site internet téléchargé et imprimé ainsi que les autres blogs que Suzanna nous a donnés (cf les adresses en première page) nous ont été d’une aide précieuse et indispensable. Sans oublier les géocaches et l’application View Ranger qui nécessitait que je charge régulièrement les batteries de mon smartphone….
Arrivée à Kastelli sous le soleil. Au loin, le massif du Dikti est toujours dans les nuages. On se pose à l’hôtel Kalliopi. Une douche, un bon repas et un lit… et une bonne nuit !
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