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Mercredi 31 juillet.

On entame notre série de journées de double portage. Il s'agit de monter vers le camp suivant avec une partie des vivres. Les cacher et redescendre à vide. Le jour suivant, on remonte avec le reste du matériel. Et ainsi de suite pendant 8 jours.

 

 

Sacré vallée, tu te défends bien ! On aura parcouru qu'un seul tout petit cm sur la carte mais ça nous a pris plus de 8 heures... des blocs infâmes et moussus, des saules et des saules, une cheminée avec une vire aérienne qui aura nécessité corde et coinceurs et puis à nouveau saules et saules... jusqu'à l'emplacement du camp 2 où on fait une cache des provisions. Le coin a l'air idyllique mais je suis trop crevé pour apprécier. Retour robotique au camp 1 où on arrive en même temps que la pluie. Un couple d'aigles nous survole.

 

 

Jeudi 1er aout.

20h50 7° sous la tente. Dehors, vent et pluie.

Ce matin, le lever se fait tardivement, vers 8h30, dans une ambiance grisouilleuse et frisquette On quitte le camp 1 vers 11 heures, talonnés par des nuages d'averses, au loin sur le fjord.

On emprunte le même chemin que la veille. Il nous semble plus facile parce qu'on sait où on va et que nos sacs sont moins lourds. On repère, par ci par là, nos traces, quelques branches de saules cassées, de la mousse enfoncée ou arrachée sur l'arête de certains rochers...

 

 

Arrivée au camp 2 vers 16 heures, sous la pluie et le vent. On se fait un thé accompagné d'une tranche de saucisson, d'une portion de tête de moine et deux wasa. Et on enchaîne sur une sieste jusque 19 heures.

L'Isortoq gronde. Ses embruns jaillissent d'une cascade qu'on a pu entrevoir au loin. La rivière ne se dévoile que pudiquement, entre deux lambeaux de brume battus par la pluie. La verra-t-on sous des jours meilleurs ?

Beaucoup de vêtements mouillés ou humides. Je me réfugie au fond de mon sac de couchage avec Schéhérazade et ses contes.

 

Vendredi 2 aout.

20h30. 9° sous la tente plantée un peu en-dessous de la ligne des 500m, au bord de l'Isortoq.

 

 

Départ du camp 2 vers 10h30. On laisse la cache de vivres en place et on monte de quoi installer le camp 3. L'Isortoq commence à se faire belle. Encore quelques passages de saules et elle se fait carrément désirable ! On remonte le long de la vallée de plaines alluviales en plaines alluviales, aussi belles les unes que les autres.

 

 

Notre guide, c'est la rivière qui gronde de temps en temps en cascades échevelées et assourdissantes. Sur la carte, bizarrement l'Isortoq change maintenant de nom et devient l'Isortup. En inuit, isortoq signifie, fermée par les nuages et le suffixe "tup" est un signe d'appartenance... Isortup signifierait donc la vallée de l'isortoq.

 

 

Toujours est-il que cette vallée s'est bien défendue les premiers jours avec cette vire et ces saules infranchissables... Maintenant, elle s'élargit et se laisse conquérir facilement en une succession de plaines herbeuses et de gorges aux tables rocheuses qui sont autant de promontoires au-dessus du courant. C'est magique de voir cette vallée qui s'ouvre devant nous, de plus en plus belle. Rencontre avec quelques mouflons (?) au détour d'un méandre. Toute la journée, on en verra apparaître d'autres sur l'autre rive.