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Mercredi 7 aout.

21h30. 1100m.

Il neige !

Dernière étape pour arriver enfin aux sources de l'Isortoq. 8 heures de marche avec sur le dos 8 jours de vivres. Le reste est caché au camp 4. Les berges vertes du camp 4 ont, petit à petit, laissé la place à des moraines, des névés, des glaciers, de la pluie et de la neige.

 

 

La dernière moraine n'en finissait pas, une sorte de toit du monde recouvert d'un plafond bas mais lumineux d'où dégueulent des glaciers comme autant de rampes de néons. Dans notre dos, une poisse noire qui s'abat sur nous en une bruine qui détrempe tout ce qu'elle touche.

 

 

On se paye le luxe de traverser l'Isortoq juste avant l'arrivée au lac qui nous apparait au détour d'un chaos de blocs. L'inlandsis, laminé sous une chape de brouillard, vient s'y jeter de tous côtés.

On a un peu de mal à trouver un coin où poser la tente. Transis et trempés, on s'y réfugie après un repas pris à la hâte (soupe, purée, café et mirabelle). A l'abri dans notre bulle, on entend le lac qui clapote tranquillement... ça nous change du grondement de la rivière qu'on entendait tous ces derniers jours.

 

 

Jeudi 8 aout.

14h10. 1100m.

Nuit de tempête. Le clapotis du lac a pris de l'ampleur...

Ce matin, petit déjeuner dehors, vers 9 heures. Le ciel est couvert mais de larges plages de bleu s'affichent ça et là. Petite reconnaissance sur les moraines au-dessus du camp. On peut voir l'Isortoq avec ses plaines et ses méandres effilochés vers l'aval. Plus bas, le ciel est bien noir.

 

 

Actuellement, on profite de l'instant et de notre nouvel univers. On lit, on écrit, le lac clapote à nouveau et quelques moustiques sont de sortie... On ne les avaient pas vu ces derniers jours...

19h45. 11° sous la tente. Le brouillard nous observe, nous gagne, passe, se recharge et revient toujours et encore.

Un hélicoptère a tourné au-dessus de nos têtes avant de repartir vers le col de l'autre côté du lac. Notre présence a du le surprendre...

De petites siestes en petites siestes, de clopes en vivres de course, de lectures en mots croisés, l'après midi se termine. La soirée commence sans quon ait senti le passage de l'un à l'autre...

 


Notre tente, c'est le petit point jaune, au bord du lac...

 


Vendredi 9 aout.

11h25. 11° sous la tente.

Il pleut depuis ce matin. Une pluie différente de la bruine des derniers jours. Ce sont de grosses gouttes maintenant.

Les séracs tombent, le lac vit sa vie, les mots croisés se remplissent, la vie s'écoule, on ne demande rien à personne...

19h30. 9° sous la tente. Le brouillard est le maître chez lui. Silence absolu, le vent est tombé et même le lac se tait. Rappelez-moi ce que veut dire Isortoq... "Fermée par les nuages" !!

Une famille de lagopèdes est venue faire glou glou près de la tente et nous a tiré de notre léthargie de fin d'après midi en nous rappelant que la vie continue. On avait fini par croire qu'il n'y avait plus rien dans ce petit bout du monde. Je viens de terminer les Mille et une nuits. Dommage, je commençais à m'y faire à toutes ces sultanes plus belles les unes que les autres. J'arrête d'écrire, j'ai les doigts gourds !

 


Vue de la vallée de l'Isortoq