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Samedi 10 aout.

21h. 8° sous la tente.

 

On a enfin pu mettre le nez dehors pour une belle journée de 9 heures de marche. Lente montée dans un névé jusqu'au col "des deux génies" qui nous ouvre la vue sur l'inlandsis qui vient s'écarteler sur un gros mamelon qui culmine à 1700m. C'est un sacré belvédère sur le 2086 qui a bien du mal à s'extirper des nuages. Ils passent au-dessus de nos têtes à toute vitesse. Le but de leur course folle semble être le 2086 et ils restent là. On ne le verra jamais en entier... On tentera bien une timide approche. Mais, arrivés à son pied, on n'insistera pas aujourd'hui. La météo n'est pas sûre, il est déjà 14h et ce serait dommage d'y aller dans le brouillard.

 

 

A notre gauche, ligne droite de l'horizon vers le grand large de la calotte du Groenland. Les nuages défilent là-dessus, au ras du sol. On devine le ciel bleu, pas loin. Quelquefois, l'horizon se déchire et alors ça éclate de partout, le triomphe de la ligne droite !

Le retour se fait à la boussole et à l'altimètre... pour un peu, on a failli s'enfiler dans une mauvaise vallée !

 

 

Retour au camp vers 19h et on embraye sur le repas pris sous un spectacle flamboyant de nuages rouges sur la pointe est du lac. Ils embrasent les glaciers et la neige.

Replis sous la tente avec Boro et la guerre d'Espagne.


Dimanche 11 aout.

20h30. 8° sous la tente.

Ce matin, lever à 6h15 avec un petit 4° sous la tente... Mais dehors !!! grand beau temps, ciel bleu et lumière éclatante, genre matin d'un nouveau monde... Tout est gelé, tente, eau des gourdes, sac à dos... le camp est tout lavé du gris de ces derniers jours. C'est fou ce que le soleil et la lumière peuvent influer sur le moral... les neurones pétillent !

 

 

Départ du camp à 7h45. On se prend le front de la calotte à l'assaut. La neige est dure et craquante, un vrai régal pour les pieds et l'allure va bon train. Les yeux ne savent plus où donner de la tête ! Au fur et à mesure que l'on monte, la perspective s'échappe vers des horizons infinis. Petite pause pâte de fruit sur un modeste nunatak. Au loin, le 2200 de l'année dernière, à 50km à vol d'oiseau mais il est bien là ! La neige est toujours aussi bonne, l'allure gaillarde et nos bâtons rythment la cadence de nos deux traces parallèles. Tout est clair, ça vibre de lumière. La ligne d'horizon chante une rapsodie d'ellipses, de lignes droites, d'îlots blonds de nunataks.

 


Notre objectif, le 2086, apparait enfin en entier.

 

On dépasse notre terminus d'hier. 10h15, on s'est déjà pris 500m de dénivelé depuis le camp, il en reste encore 400 pour être au sommet. La montée est facile et, à midi, on plante nos bâtons au point côté 2086. On va rester deux heures et demi au sommet... il y a tant à faire et à voir !

 

 

Du sommet, un plateau nous mène vers une vue plongeante sur le glacier Sermeq : cascade impressionnante de séracs qui viennent mourir dans le fjord. A 360° autour de nous, c'est la folie... une multitude de mondes différents s'entrechoquent... ça se plisse, ça s'élève vers le ciel en parois noires et abruptes, ça s'encapuchonne de lunes neigeuses, ça fjorde, ça file tout droit vers le nord en nous laissant là, ébahis, admiratifs et presque mystiques !

 

 

Construction d'un cairn et on y laisse un petit message roulé serré dans un tube de vitamine C.

 

 

Retour au camp vers 18h30 pour la traditionnelle séance de thé. Repas, coucher de soleil rosissant notre bonheur, pommade pour le dos et Boro pour les rêves.

Lundi 12 aout.

20h15. 10° sous la tente.

 

 

Journée tranquille, au soleil. La matinée se passe à lire, rêver et petite lessive. Balade vers 14h pour expatrier notre sieste au bord du lac. Je me fais ma première toilette depuis 20 jours... une vasque à l'eau relativement tempérée s'y prête à merveille.

 

 

Retour au camp vers 17h.

La nuit dernière, spectacle d'une aurore boréale, plein ouest. Ciel étoilé aux confins du monde, draperies mouvantes, faisceaux verticaux tombant du ciel , étoiles filantes et... froid de canard.