Dimanche 9 août

19h10 – Camp 10 – Vue sur la mer

 

Marche de 4 à 5 heures, histoire de passer le vaste col, plateau de cailloux et d’herbe rase. Immense berceau venteux entouré d’étranges plateaux bien individualisés par de vertigineuses entailles, les flancs taraudés de 1000 clochetons pyramidaux et soulignés de nombreuses strates rouges d’une presque parfaite horizontalité.

Et le camp 10 est installé avec vue sur la mer grand large esseminée de quelques grandioses tourelles de glace.

Nuit très froide. Givre sur les gourdes ce matin…

 


Camp 10

 

Lundi 10 août

21h30 - Camp 10 - 7°

 

Retour du grand beau temps... pour fêter ça et comme il nous reste suffisemment de vivres, on décide de rester un jour de plus au C10 pour aller faire un tour sur la calotte de Lyngmarks surmonté d'un dôme qui culmine à 955m. De là haut, on a une vue sur Disko à 360°, Disko avec ses glaciers, ses plateaux à festons, ses calottes et puis la mer bleue parsemée d'icebergs et, au loin, la côte du Groenland.

 

 

Demain, c'est la grande descente sur Qeqertarsuak, notre 22ème jour de treck...

 

 

Ce soir, ça caille encore pas mal ! J'ai fini mes deux bouquins et je vais attaquer le "Boro" de Bernard... Il me reste à coucher sur le papier quelques idées qui me trainent dans la tête depuis Kangerluk.

 

Mardi 11 août

17h30 - Qeqertarsuak

 

Arrivée vers 12h. Montage rapide des tentes et cap sur Qeqer et sa boulangerie, ses boutiques pour un pique nique d'enfer, assis sur 3 canons qui dominent le port. Pique-nique quasi gargantuesque : gâteaux de la boulangerie en apéro, 2 pains frais, fromage, un espèce de pâté de jambon, beurre, confiture, crème de noisettes, yaourts, gâteau citron, gâteau coco, bière et limonade...

 

 

A l'heure qu'il est, on attend que l'eau chauffe pour se faire un thé, l'estomac un peu lourd... Yannik est effondré sous la tente !

 

Mercredi et Jeudi

 

 

Deux jours à traîner à Qeqer... le classique après treck à l'affut de petites bricoles à acheter... que l'on cherche et que l'on ne trouve pas... il n'y a pas grand chose et on connait par coeur le moindre rayon de la boutique KNI.


 

 

En guise de conclusion... et comme une déclaration d'amour...


Arrivée en vue de Kangerluk

 

Kangerluk ! le village aérien ! Posées au hasard (?) sur un éperon rocheux, les maisons ont l’air de se repousser les unes les autres. On ne recherche pas la promiscuité. On ancre sa maison sur un bout de rocher, on la relie par tuyau aérien au réseau d’eaux usées ou bien on choisit l’épandage qui donne naissance à des zones d’herbes denses et longues, toutes échevelées ou tressées par le vent. On étale son bric à brac tout autour, on entasse ses traîneaux à proximité de sa horde de chiens attachées aux chaînes de la servitude.

 

 

Vie de horde réduite à l’état d’outil : c’est le sentimentalisme mal placé qui parle ? Toujours est-il que ces bêtes ont une vie de groupe et l’agitation d’un seul semble réveiller la horde de sa torpeur, le hurlement d’un seul trouve écho de clans en clans jusqu’à l’autre bout du village. Bêtes ouvrant à peine un oeil en vous regardant passer mais s’agitant brusquement à la reconnaissance de celui qui vient leur jeter leur ration de poisson. Leur vie s’écoule comme dans un zoo malpropre au milieu des détritus divers, des monticules terreux quelquefois creusés de niches. Et ça tourne indéfiniment en rond jusqu’à imprimer dans le sable des cercles parfaits ou bien ça dort en boule, la truffe abritée sous la queue ou bien encore ça fixe un point vague au loin... le même depuis des milliers d’années. Quel est ce point et qu’y voient-ils ? Ne vivraient-ils, comme on le dit, uniquement que pour le rude travail d’hiver à tirer les traîneaux sur la neige dure à s’en faire saigner les pattes ? Pauvres bêtes au couleur des nuages sales qui viennent parfois recouvrir leur coin de vie...

 

 

Et Kangerluk respire à pleins poumons, prend d’assaut la colline, y installe son église et sa cloche puis redescend sur l’autre versant avec le même éparpillement, la même impression de vent et d’espace. N’éprouvent-ils pas le besoin de se serrer les uns contre les autres, de s’épauler mutuellement face aux rigueurs terribles de certains jours ? Pourquoi pas de ruelles, de passages étroits et rassurants ? Pourquoi cette accentuation du vide et de l’air, du vent et du ciel ? Et l’hiver, quand le noir vous surprend, ne s’y perd-on pas ? Tout cela est voulu bien sûr... Mais quelle obscure raison ? Quel besoin d’indépendance dans un pays grand comme le monde, dans un pays sans limites... S’agit-il de reproduire le nomadisme dans l’emplacement de son mouillage carcéral ? Acte de révolte inconscient contre une " civilisation imposée " ? Derniers soubresauts d’un peuple disparu ?

 

 

La promiscuité gagne... Kangerluk résiste sans y paraître. Tout respire ce calme et cette nonchalance déjà rencontrées à Kumiuut, à Ammassivik... Les gens de là-bas vous croisent dans l’espace avec un timide regard alors que ce sont des princes ! Curieux des autres et pas assez conscients de leur propre valeur, ils avancent avec indolence vers une fin programmée. Qui pourrait leur redonner fierté de vous regarder droit dans les yeux ? Kangerluk... l’envie de rester là-bas ! Kangerluk... l’aboutissement ! Kangerluk... la force et l’aimant, le calme et la sérénité !