"The Andalucian coast to coast walk" (page 7)
Vendredi 12 avril. (jour 11)
Le soleil rasant vient allumer le sommet du micocoulier près de la tente. Abrité derrière la ruine du bâtiment, le réchaud fait bouillir l'eau pour le café et le travail du matin nous occupe, ranger son sac de couchage, rouler le matelas, remplir son sac où chaque chose trouve sa place, boucler le tout, le hisser sur son dos, ramasser les bâtons et c'est parti ! On quitte rapidement le petit bout de macadam qui descend du Puerto Martinez pour un superbe parcours à la limite du monde agricole et du désert des sierras. Le soleil matinal donne aux paysages des lumières fantastiques.
A notre gauche, la Sierra Cabrilla dresse ses tourelles ajourées sur un ciel tout bleu. Un passage hors piste à suivre des cairns jusqu'à un col où on rattrape une piste qui nous descend jusque El Burgo. Encore un village typique avec ses petites maisons blanches à un étage, aux fenêtres bardées de grilles en fer forgé, la bouteille d'eau sur le pas de la porte et quelques anciens assis sur les bancs d'une petite place. Ils nous guident vers l'épicerie et le bar à côté qui, exception notable, ne fait pas de bocadillos. Mais le patron du bar va nous acheter deux pains qu'il nous coupe en deux. Retour à l'épicerie pour deux tranches de jambon et on mangera sur une place, l'un à l'ombre et l'autre au soleil. On quitte El Burgo en remontant une vallée où le Rio del Burgo prend des airs d'oued marocain à mesure qu'on prend de l'altitude. Oued qui sera bientôt complètement sec à l'endroit où on le traverse. Un peu en amont de cet endroit, se dresse les restes d'une vieille arche en pierre, témoin d'un ancien pont et d'une voie maintenant abandonnée.
On pose le camp vers 16h sur un petit replat herbeux à côté d'une ruine dont il ne reste plus qu'un pierrier, quelques tessons et des fragments de tuiles à peine visibles. Où est la famille qui a défriché ce coin, aujourd'hui abandonné et loin de tout ? Un monde a disparu. Et, avec lui, des gens, des bêtes, des rires et des pleurs. Mais leur présence reste sensible pour ceux qui veulent bien y prêter attention. On leur doit bien ça quand même !
Samedi 13 avril. (jour 12) Le camp démonté, un bref coup d'œil pour voir si rien n'a été oublié et on se met sur le sentier qui nous monte vers le Puerto de Lifa. C'est la grande solitude dans cet endroit de la terre andalouse. En ligne de mire, une vieille tour en ruine se rapproche au rythme de nos pas.
On débouche sur de vastes dolines et tourbières où un troupeau de moutons anime les abords d'une vieille bâtisse à demi ruinée. Un peu plus loin, une ferme plus moderne occupe les franges de la tourbière. Qu'est ce que ça doit faire de vivre et de travailler ici ? Ce matin, au soleil, l'endroit me semble magique, baigné d'une solitude et d'un calme hallucinant. Les gens qui y vivent, voient-ils ça comme je le ressens ? De quoi rêvent-ils ? De wifi et d'écrans grands formats, du printemps qui tarde à venir, de l'été qui s'annonce écrasé de soleil et de chaleur ? J'aimerais savoir mais ma question restera vaine et sans réponse. On ne verra personne, seul un chien aboie au loin pour signaler notre passage.
Après le Puerto de Lifa, une longue descente vers Ronda et une fin qui n'en finit pas.
Ronda, première grosse ville de notre parcours. Pour fêter mon anniversaire, on dormira dans un hôtel sympa près de la gare et un restaurant pour marquer la date. On se douche et, le pied léger, on se lance dans la visite de cette ville de 35 000 habitants. Ronda sait ménager de beaux endroits. Le Puente Nuevo, spot prisé et incontournable, la vieille ville et son parc. Tout semble serein et à taille humaine, malgré la foule. Quelques achats (gaz, soupes, mouchoirs, chaussettes, piles pour le GPS), quelques bières, le resto et retour à l'hôtel vers 22h30. Pour nous, randonneurs habitués au bivouac et qui rentrons sous la tente à 19h, c'est un horaire complètement déstabilisant et exceptionnel. Mais 68 ans aujourd'hui, faut bien fêter ça !
Malgré tout, la nuit ne sera pas meilleure que sous la trente... Demain, parait-il, qu'on monte sur un karst exceptionnel...
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