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Le sentier européen E4 :

traversée de la Crète


Vendredi, 2 mai. Skalia à Kato Kria

Dénivelé positif : 680m

Dénivelé négatif : 930m

Durée : 8h30

Lever à 6h et départ 7h. Une heure, c’est le temps qu’il faut pour ranger le camp, avaler une tasse de café et boucler son sac.
Quoiqu’on fasse, pressé ou pas, cette heure semble incompressible. Elle est bonne cette heure routinière où, perdu dans ses pensées, on refait chaque jour les mêmes gestes. Chaque chose a sa place, chaque place dans le sac est prévue pour une chose et pas une autre. Le sac se remplit méthodiquement et le résultat final se doit d’être harmonieux.
L’esprit vagabonde et se rattache à ce genre de petits plaisirs qui ne coûtent rien. C’est loin d’être une corvée, c’est dans l’ordre des choses.
Une fois la bête bien arrimée sur ton dos, alors tu prends tes bâtons et, un pied devant l’autre, tu t’en vas, finissant ta nuit. Tes pas se déroulent machinalement pour peu que le chemin t’en laisse le loisir.
C’est un des meilleurs moments de la journée.

 


Pallenis spinosa (Asterolide épineux) à fleurs jaunes

 

Superbe parcours sur un plateau lunaire jusqu'à Ziros. Le ciel est bien chargé et il ne fait pas très chaud. Une géocache est débusquée à Psilo Kefali, le point culminant du plateau qui laisse entrevoir des horizons tout pelés et des fonds de vallée couverts d’oliviers. Tout en marchant, j’ai encore en tête l’odeur de l’encens et la vision de la petite veilleuse et des icones qui m’ont regardé dormir dans la chapelle de Skalia.

 


ça ne se fait peut-être pas... mais on y dort bien !

 

Descente sur le village de Ziros niché et blotti dans une oasis perdue au milieu d’un désert de cailloux. Arrêt au kafenion qui ne sert plus que des cafés grecs. Le patron réussit quand même à nous vendre des petits gâteaux… on ne se fait guère prier, on n’a qu’une tasse de café dans le ventre depuis ce matin.

 


Ziros

 

Du goudron ensuite, sur 3,5km jusqu'à Handras. Le nouveau tracé du E4 semble prendre la route via Etia. On préfère emprunter la piste qui part à côté de l’église de Handras, passe entre les éoliennes puis descend sur Pappagiannades.

 


Descente sur Pappagiannades

 

Nouvel arrêt Kafenion à Pappagiannades, bière, olives et croutons de pain à l’huile d’olives. Une petite vieille tout de noir vêtue mange un gâteau, assise sur un muret. Le patron nous indique de loin la suite du chemin. Notre connaissance du grec n’est pas encore suffisamment au point pour saisir les subtilités de la langue et on va se planter en descendant sur Vorio. Il faut dire qu’il y a des pistes partout dont beaucoup sont des chemins d’exploitation qui terminent en cul de sac au milieu d’oliveraies. On est passé trop en dessous de Vorio.
Mais on finit par récupérer des balises pour les perdre ensuite dans la montée qui mène à Bill’s Pass. Heureusement que le GPS m’y indiquait une géocache. C’est donc en suivant l’azimut qu’on parvient au bon endroit sur la crête. On bascule ensuite dans une nouvelle vallée qui file vers le nord ouest, au milieu des oliveraies. On remonte un ruisseau à l’eau limpide mais on ne la voit pas souvent tant la végétation y est dense. Il y a peu d’endroits où poser la tente. On finit par s’arrêter sur une petite terrasse un peu avant Kato Kria.

 

 

Arrêt vers 15h30 sous le soleil et le vent du sud. Il fait bien meilleur que ce matin et on finit la journée avec un thé et le reste des gâteaux de Ziros.

 


Gladiolus italicus (Glaïeul d’Italie) et Allium neapolitanum (Ail blanc)



Tragopogon sinuatus (Salsifis des jardins) en fruit

 

Samedi, 3 mai. Kato Kria à Aggia Anna

Dénivelé positif : 1295m

Dénivelé négatif : 1085m

Durée : 10h30

 

Bonne nuit, sous les oliviers. La suite de la piste nous fait quitter la vallée en passant sous le village de Kato Kria et nous emmène à Dafni où tout est fermé. Personne dans les ruelles, il n’y a que le robinet de la fontaine pour nous faire un brin de causette. La place du village est très belle, à l’ombre d’un platane millésimé. Toute calme et pourtant, elle résonne encore des fêtes qui doivent s’y donner.

 

 

On traverse ensuite Chrisopigi, tout aussi désert. On saucissonne sur la place, pas un chat si ce n’est un petit vieux assis sur une chaise et un jeune adossé à son pick-up. Rien ne bouge, le temps s’est arrêté.

 

 

Pour atteindre Orino, on remonte en suivant le flanc droit d’une vallée, sous le soleil. L’horizon s’ouvre et l’ambiance devient montagne. La piste est bonne, ça monte régulièrement. Un pas devant l’autre, l’effort est connu et me convient bien.

 

 


On croise une bergerie où l’on est en train de tondre les moutons. On continue à monter sans se rendre compte qu’on vient sans doute de louper l’embranchement d’un sentier. Mais la piste et les coordonnées de la prochaine géocache (E4 View) nous remettent sur le bon chemin, juste au-dessus d’Orino qu’on atteint par une longueur de macadam. Le village est tout aussi désert que les précédents mais une femme nous indique le kafenion ouvert. On accompagne la bière d’une énorme salade qu’on n’arrivera même pas à finir. La jeune femme qui tient le café semble impressionnée par ce qu’on fait.

 

 

Et c’est parti pour le deuxième col de la journée qu’on atteindra en suivant une large piste empruntée par quelques pick-up. Descente sur Thripti, village agricole très étendu. On passe devant une taberna d’où s’échappe un air frais et une musique en sourdine. On se sent obligé d’y faire un arrêt… La journée est presque terminée et on se laisse tenter par un ouzo. Mais, ici, loin de tout et en montagne, l’ouzo, ils ne connaissent pas. C’est une bonne dose de raki qui nous sera servie.

Descente dans une forêt de sapins en suivant un peu au hasard quelques rares balises E4. On tombe sur une piste qui mène à la chapelle Aggia Anna où on pose le camp. On nous annonçait « une source d’eau fraîche », mais les robinets restent désespérément secs. Heureusement que notre réserve d’eau était suffisante et le thé habituel qu’on se sert dès que la tente est montée, est parfait pour calmer l’impression de soif. La chapelle est perchée juste au départ des impressionnantes gorges de Ha.

 

 

Le coucher de soleil dessine une multitude de crêtes qui s’en vont mourir dans un dégradé de gris bleuté. Quelques mètres en-dessous de nous, un fermier laboure une terrasse naturelle accrochée sur le flanc des gorges. Ses chiens viendront nous rendre visite et je passe une seconde nuit à l’intérieur d’une chapelle.