Dimanche 2 août

22h35

 


Rangement du camp sous la bruine.

 

Etape un peu humide et cotonneuse. Malgré tout, marche variée et pas désagréable. Chevauchée impressionnante d’un « ver des sables »… traduire un gros glacier… vers la Vallée des Fleurs ! Il faudra que je parle de ce glacier demain, et de la perte de Marc, et de la déchirure de la tente… Mon bol est foutu : ça c’est con !

Encore une fois bien au chaud dans notre bulle, les fringues humides s’entassent dans l’abside… soleil, on t’attend !

 

Lundi 3 août

12h05 – 760m

 

Ce matin, le plafond s’est bien levé. Ce n’est pas encore le vrai beau temps mais le vent souffle et c’est la grande braderie du séchage de fringues… Chacun vaque plus ou moins à ses occupations. C’est presque la sérénité après la journée d’hier.

 

 

Tout a commencé par ce canyon tranché à vif, minéral vivant drainé par un torrent grondant qui vient s’engouffrer sous un énorme glacier à travers un porche de glace loin des tailles humaines. Le paysage se découvre au gré des déchirures du brouillard. Je trimballe avec moi l’impression d’être au milieu de quelque chose de vivant : un coin de terre instable où tout est encore en devenir. C’est vivant, c’est la terre qui gonfle, se creuse, se taille sous l’action de l’eau et de la glace. On est bien loin de nos régions où tout est déjà fini, des régions abouties, presque vieilles, où les seules modifications physiques sont considérées comme des catastrophes naturelles ou bien alors cicatrices laissées par la main de l’homme. Ici, rien n’est fini, un futur paysage est en gestation. Quand accouchera-t-il ? Quand sera-t-il à prêt à nous accueillir ?

 

 

Il y a eu ensuite ce glacier sur lequel on a pris pied en évitant cette gueule béante qui absorbait le torrent pour l’emmener vers un enfer de bruits et de couleurs, de grondements et de craquements. Gigantesque « ver des sables d’Arrakis » descendant vers la mer (l’eau appelle l’eau ?) en raclant, polissant la vallée. Il ne se pose pas de questions, il avance avec un front buté d’où les sentiments sont absents. Tombe là dedans, il s’en moquera éperdument, pire, il ne le remarquera même pas ! Percé de moulins, de canyons grondants à sa surface, de calmes endroits mamelonnés, il fait œuvre d’architecte.

 


Des Fremens sur le Ver d'Arrakis ?

 

Et nous, on est là-dessus, le chevauchant comme les « Fremens » ! On est si petit à le fouler qu’on finit par perdre ce sentiment de puissance qu’il dégage. Tout se passe comme s’il nous avait intégré… on fait partie de lui, on ne se pose plus de questions… juste avancer, un pas après l’autre. Pour avoir conscience de l’énormité de la chose, il faudrait pouvoir se détacher de soi et planer quelques mètres au-dessus.

 

 

On l’abandonne pour un col plus hospitalier qui va nous ouvrir la Vallée des Fleurs (Blomsterdalen). Le brouillard nous imprègne de plus en plus et c’est maintenant qu’on perd Marco… qui était monté beaucoup trop haut. Quelques heures à ratisser le col, refaire le chemin parcouru, inquiets puis rassurés quand on a trouvé une de ses traces prouvant qu’il avait quitté les bords instables du glacier… pour tous se retrouver finalement et poser les sacs pour aujourd’hui.

 

 

Et, pour finir, cette tente qui se déchire… on a conscience que tout peut vite basculer et prendre des proportions trop grandes pour le plaisir. On est comme sur un fil : quand on est dans les limites de ce qu’on s’est fixé (même le poids du sac, le terrain difficile…) c’est bon. Mais quand on sort de ces limites, on a soudain conscience de ne plus jouer…

 

Mardi 4 août

18h15

 

Sous cape, dans notre bulle, depuis le matin. Deux rares sorties : une vers 10h pour le petit dèj et l’autre vers 15h30 pour le rituel Wasa/mimolette/coppa… à part ça… le Rouge et le Noir de Stendhal, sieste et mots croisés… Dehors, c’est bruine, brouillard crépusculaire, froid… rien à taille de désir humain. Et ces 3m2 de tente nylon avec armature en alliage léger se transforment en bulle chaude et agréable. Le temps passe plus discrètement que le torrent grondant en contrebas du camp. Nous sommes immobiles alors que tout bouge autour de nous. Arrêt sur image !

 


Le Ver de Dune

 

Mercredi 5 août

23h10 - Camp7 - 95m

Belle descente… mais je ne vais pas en parler aujourd’hui : j’ai le dos en compote et je vais fermer les yeux !!
On a quand même profité d'un superbe petit déjeuner au soleil...