Galerie de jonction entre deux chantiers.

La remontée s’annonce longue… mais non dépourvue de plaisir ! Un regard sur les cents mètres de corde qui filent vers la lumière. Les dents des bloqueurs mordent le nylon et, après quelques coups de pédale pour absorber l’élasticité de la corde qui se tend, les pieds quittent le sol.

 


Séance de topographie de la galerie ventilée.

 

Il reste à voir ce départ de galeries entrevues à -80m. Quelques brassées plus tard, voici enfin ce secteur de chantiers. Un léger pendule pour prendre pied sur le sol d’une niche de 1,50m de hauteur. On est tout de suite assailli par un fort courant d’air. Deux départs, dont un seul est ventilé. La suite est bien par là…

 


Limite schistes/marbres

 

Horizontale et de section grossièrement carrée, la galerie se parcourt à quatre pattes (section moyenne : 0,80X0,80). Première surprise, une vasque d’eau peu profonde s’étale sur deux mètres de long. Le courant d’air est si violent que des vaguelettes se forment à la surface. Des explorations ultérieures montreront que cette vasque est temporaire, peut-être alimentée par la condensation de la vapeur qui arrive des galeries de la CFML. Obstacle aquatique suffisamment rare dans les puits du Laurion pour qu’il soit mentionné.

 


Vaguelettes formées par le violent courant d'air.

 

Un brusque coude de la galerie et c’est une coulée stalagmitique qui dégueule en petites dentelles pétrifiées. Là, en plein milieu de la calcite blanche, un clou rouillé est fiché dans une cheville de bois : témoignage des topographes de la CFML qui ont parcouru cet endroit pour en relever le plan. Une aubaine pour les ingénieurs de la compagnie que de tomber sur ces galeries antiques qui leur assuraient un aérage naturel sans gros efforts.

 


Clou des topographes de la CFML


 

L’obstacle franchi, on débouche dans un vaste dépilage : le regard file de tous côtés et se perd derrière des piliers, des amas de stériles, des départs dans toutes les directions.

 

 

Le courant d’air s’est dilué dans ce vaste espace et c’est pourtant lui qu’il nous faut rechercher pour trouver la suite. Nez au plafond, nous parcourons le dépilage d’une hauteur comprise entre 1,10 et 1,20m. Les genoux rechignent un peu sur le sol encombré de cailloux.

 

 

Au détour d’un pilier, au pied d’une petite stalagmite, des fragments de lampe à huile et des morceaux de charbon de bois sont éparpillés. Emouvante rencontre que cette lampe qui ne devait guère diffuser beaucoup de lumière mais sur laquelle il fallait pourtant veiller soigneusement. Source d’éclairage et rythme des temps de travail, elle était vitale pour le mineur. Pourquoi s’est-elle brisée, qu’est devenu son possesseur… autant de questions qui resteront sans réponse

Le courant d’air retrouvé nous emmène dans une partie du dépilage où le concrétionnement est intense : une calcite blanche immaculée se dépose en stalactite, en petits gours, en fistuleuses fragiles et translucides. C’est un régal pour les yeux et la progression se fait délicate pour ne rien détruire La nature reprend petit à petit possession d’elle-même en comblant ce vide laissé par les mineurs, cicatrisant la plaie par un dépôt étincelant.

 

 

Malgré toutes les précautions, en suivant le courant d’air qui s’insinue dans une galerie obstruée par de fragiles macaronis, certains se brisent dans un bruit cristallin. Les épaules se font souples, le dos se creuse pour essayer de limiter au maximum les destructions.

 

 

Cette galerie de jonction, d’une hauteur moyenne de 80cm, nous emmène dans un nouveau dépilage. Le sol est encombré de blocs parmi lesquels les fragments d’une nouvelle lampe à huile sont découverts. Un petit bassin festonné de petits gours cristallins est contourné. La progression nous entraîne de dépilages en dépilages qui suivent la minéralisation en légère pente descendante. Chaque chantier est séparé du suivant par des galeries de jonction. La direction change continuellement et nous laissons de côté de nombreux départs de travaux qui filent en laminoir. Par moment, des fronts de taille latéraux témoignent des recherches infructueuses, des murets de stériles jalonnent le chemin.

 

 

La pente s’accentue. Nous ne savons s’il faut admirer l’acharnement de ces mineurs qui, « dans l’obscurité des galeries, peinèrent pour l’éclat de l’argent, avides de la lumière du jour » ou bien les concrétions qui, peu à peu, estompent leurs traces d’une gangue de calcite.

 

 

Le courant d’air s’enfile dans un étroit laminoir pour remonter brusquement de l’autre côté. Une zone plus chaotique commence. Le cheminement devient plus complexe. Une dernière étroiture, un ramping sur des blocs douloureux, et la voûte se relève soudain… les galeries modernes !

 

 

Le paysage change du tout au tout. Deux mètres de haut, un mètre de large… les mineurs du XXème siècle possédaient d’autres moyens !

 


Galerie "moderne"

 

L’azimut suivi tout au long de la progression dans les galeries antiques, le dénivelé pris depuis le haut du plateau, nous indiquent qu’il doit être possible de sortir au jour par la galerie de Megala Pefka et un nouvel enthousiasme nous pousse à continuer. Mais, le courant d’air s’est perdu dans ces volumes plus importants. Nous explorons systématiquement toutes les directions. La progression est rapide parmi les traces des anciennes traverses de voies de roulage. Brutalement, un puits vient barrer la galerie. Les abords sont fragiles et instables. Nous nous acharnons vainement à essayer de le contourner.

 

 

Ce n’est pas pour aujourd’hui la traversée… Plusieurs tentatives seront nécessaires avant qu’une équipe parvienne, en avril 2008, à sortir au jour sous le figuier de Megala Pefka qui reprend ses droits sur ce paysage qui est le sien. Comme la calcite souterraine, la végétation contribue lentement à effacer toutes les traces de ceux qui vinrent extraire le plomb argentifère pour armer les puissants.

Depuis 2008, d'autres explorations se sont déroulées au fond du SPI 18. De nouveaux développements ont été découverts, tous riches en enseignements. On est même parvenu à jonctionner avec un autre puits dont l'orifice était obstrué à la surface du plateau. Il a fallu "sauter" pour l'ouvrir... je n'en dis pas plus mais c'était chaud !