Maniitsoq - Aujasoq 16 juillet au 17 aout 1999
Lundi 19 - 13h 05. Toujours à la cafèt ! 17h. Plutôt que d’aller à contre courant et piétiner en pestant contre tout ce qui nous retarde, le fait de se laisser glisser avec le temps qui passe rend l’attente plus supportable. Une chaude et douce léthargie anesthésie le corps et l’esprit. Contact positif avec l’Office, un guide local pourra nous emmener en bateau au fjord de L’Eternité. Mais rien à faire tant que le mauvais temps dure. Alors on profite de quelques accalmies pour visiter Manitsoq accrochée à des rochers ruisselant de multiples cascades. Des maisons pilotis, de grands hangars, les éternels supermarchés, les cafés aux machines à sous, le port et le marché aux poissons.
Mardi 20 juillet. Toujours Manitsoq : ville noire, rocheuse et détrempée... comment peux-tu être sous le soleil ? Se peut-il que tu puisses ressembler à autre chose qu’à cette éponge cinglée de vent et de bruine ? Le Mont Atter semble être définitivement hors d’atteinte pour cette année... Le fjord de l’Eternité doit ressembler à l’enfer sous ces jours de tempête. Inaccessible, trop aléatoire pour le retour... On se choisit un objectif plus facile d’accès... Sera-t-on forcément déçu ? Va-t-on piétiner sur des chemins trop parcourus ? Non, sans doute pas... Mais va-t-on retrouver ces sensations rencontrées à chaque fois qu’on remontait ces vallées uniques et idéales... En principe, le départ est pour demain après-midi. Les courses sont faites et une partie est déjà déposée à l’Office soigneusement emballée dans des sacs poubelles. 14h 30. Le temps a perdu de sa rigueur... 14h 30 n’a plus vraiment de sens que pour la montre que j’ai au poignet. Le temps n’est plus le même, il ne passe plus, il est présent au même instant que moi. Je ne le sens plus. C ’est comme un instant de béatitude qui pourrait durer une éternité. Le temps n’existe plus, il a perdu de sa consistance, s’est fondu en moi et on voyage ensemble vers la nouvelle étape, le nouveau café, la prochaine envie. Mais il a fallu trois jours pour en arriver à cet état. Ca se précise, ça se bouscule, ça vient foutre en l’air ma sérénité décrite plus haut... Départ demain, rendez-vous à 14h à l’Office. Bateau jusqu’au lac de Tasersuaq et retour le mercredi 11 août... jour de l’éclipse !
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Mercredi 21 - 18h 30. Dernier petit dèj à la cafèt (café à volonté avec les délicieuses patoches habituelles...). Puis, pour moi, fouille d’un camion poubelle à la recherche de nos deux sacs de provisions qui s’y étaient retrouvés par mégarde pendant que Bernard sillonne Manitsoq en taxi à la recherche du dit camion poubelle... bref, la routine groenlandaise. Une bonne partie de tapecul sur le fjord d’Ikamiut à slalomer entre la houle, un dernier adieu, et voilà... le camp 1 est monté au bord du lac de Tasersuaq au milieu d’une nuée de moustiques plus sympa les uns que les autres...
Ce n’est pas vraiment la grande forme. Il fait beau pourtant, des glaciers viennent se jeter dans le lac bleu, des avalanches se signalent à notre bon plaisir, et puis voilà, on verra...
Jeudi 22 - 17h 45. 12° ext. 93 m C 2.
Double portage du C1 au C2. Marche pas très aisée pour longer le lac (éboulis et gros blocs), remonter un peu vers l’amont et attaquer la moraine de front, monter, monter pour échapper aux moustiques et mouchettes.
Finalement, le camp 2 est installé au pied du glacier, sur une petite plage de sable, ambiance moraine. Mais les bestioles sont quasi aussi nombreuses qu’en bas. Manger tranquille est impossible. Il faut se percher et se mettre le nez au vent. Avec un peu de dextérité, on peut se permettre de mettre le bol sous la moustiquaire, ça marche pour boire la soupe mais pas pour le reste.
Décor très alpin. Les avalanches se sont déclenchées toute la journée. Les sommets sont recouverts d’une bonne quantité de neige fraîche. A cette heure, on se repose dans la tente. Le temps se couvre, euphémisme pour dire que des nuages déboulent d’un peu partout... Vu un aigle pêcheur au bord du fjord et un lièvre arctique dans la moraine.
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