Maniitsoq - Aujasoq

16 juillet au 17 aout 1999

 

 

Vendredi 23 - 17h. 16°5 int. 991mb. il pleut.

 

 
Camp 2

 

Départ 9h40. Retour au C2 à 16h 20. Suite et fin du double portage de la veille. Ni l’aller ni le retour ne furent vraiment plaisants. Marche dans les blocs, montée, descente, glissade... et au retour dernière grimpette avec la pluie et les moustiques archi présents. Marcher avec la moustiquaire, ce n’est pas le pied non plus.

 

Samedi 24 - 18h 30. 16° int. 988mb

 
Camp 2 sous le soleil...

 

Départ tardif (11h 45) pour une reconnaissance du passage au fond du cirque glaciaire qui se referme derrière notre camp. Courte distance sur le glacier, pose des crampons et presque 1000m de dénivelé pour franchir le col très raide et neigeux qui permet d’accéder au plateau d’AUJASOQ. J’ai sué à grosses gouttes.

 


En route vers le col... ce col où je vais me fracasser quelques jours plus tard !

 

En haut, c’est une vision à couper le souffle, ça file droit vers un horizon ondulant blanc et noir, grand ouvert sur le vent, le ciel et les sommets émergeant de la calotte d’AUJASOQ. On est aux portes d’un monde bien différent de celui minéral de notre moraine « d’en bas » ! C’est un monde ouvert sur le ciel où toute géométrie se résume en trois formes : les courbes concaves des crêtes neigeuses, les mamelons ocres de certains affleurements rocheux et les pics noirs des plus hauts sommets dont les parois ruissellent de cascatelles ou s’ornent de grondantes chevelures lorsque se déclenchent les avalanches. Pas l’ombre d’un insecte volant !

 

 

Et cet univers s’étale aujourd’hui sous un ciel noir et plombé au-dessus de nos têtes... Je ressens une vague paresse morale et physique à moins que ce ne soit la mélancolie palpable qui émane de Bernard qui soit contagieuse !

 

Dimanche 25 - 12h 50. 997mb. puis 18h10. 997 mb. 15° int.

 

Pluie pendant la nuit et brouillard gris au réveil... S’ensuit donc un repos dominical avec une météo qui va s’améliorant. Si ce n’était la galère des moustiques, on serait presque bien.

 


Putain de moustiques !!

 

Mais cet aspect statique, ce camp morainique aussi gris que le ciel, ce manque de perspective et de végétation - à moins de monter sur les crêtes caillouteuses pour apercevoir quelques terrasses d’un vert mordoré et profond qui s’illuminent sous les rayons du soleil couchant - tout cet environnement n’est pas vraiment fait pour me doper l’esprit, et comme le corps suit l’esprit...

 

 

Lundi 26 - 22h. 938mb.

 

Pas un moustique à l’horizon, grand bleu, tente arrimée sur la neige éblouissante au milieu d’un air clair et sonore, des images pleins la tête, un bonbon à la menthe et prêt à aller retrouver Hans Castorp au sanatorium de Davos (La Montagne magique de Thomas Mann)... le reste, j’en parlerai demain.

 


camp 3

Mardi 27. Camp 3

 17h 20.

Au soleil, calé sur un îlot morainique au milieu de nulle part... avec une galette de sésame... je crois même que je vais aller me chercher un petit nougat pour faire bon poids... je reviens tout de suite...

 

La vallée qu’on vient de quitter avec sa bruine et ses nuées de moustiques me semble bien loin. Une fois passé ce sacré col, cette porte entre deux mondes, on est catapulté sans préavis dans un autre univers. On prend pied sur les marges d’un plateau blanc qui file vers tous les horizons. Ouvert vers le ciel et le grand large ou limité par des pics encapuchonnés de neige et par une large croupe neigeuse se relevant vers le ciel en une masse blanche craquelée, c’est AUJASOQ, la calotte d’AUJASOQ.

 

 

Hier soir, alors qu’on était déjà dans la pleine lumière, on voyait encore des traînées grises et menaçantes qui venaient se fracasser contre les murailles noires et ruisselantes dominant le col. Aujourd’hui, un soleil brûlant dans un ciel bleu festonné de quelques cirrus échevelés nous regarde revivre. Pas un bruit ne trouble l’air cristallin, un vent frais et piquant balaie tout ce qui peut me rester de morosité.

Petit point jaune, c’est notre tente, posée à même la neige, arrimée au bord d’une moraine. Quel réveil ce matin, avec la neige étincelante et craquante devant l’abside. Et la nuit fut de tout premier ordre avec comme clou du spectacle une grosse pleine lune... mais ça je ne l’ai pas vu.

Aujourd’hui, le sommet de 1450. Marche d’approche, rochers et neige, petit col et arête aérienne vers le sommet. Mer, neige et soleil au menu.

 


Au sommet du point côté 1450