MINES de FER d'ARS SUR MOSELLE (57). XIXème siècle. Denis Jacquemot
Dans les pages qui suivent, vous pourrez lire un condensé des recherches effectuées sur le patrimoine minier d'Ars sur Moselle. Recherches qui s'appuient sur une ressource d'archives inédite issue de l'Ecole des Mines de Paris (rapports de voyage) et sur les témoins encore visibles aujourd'hui.
1. INTRODUCTION.
Au cours du XIXème siècle, la consommation de fer et de fonte ne cesse d’augmenter. L’exploitation des mines de fer en Moselle connait un essor fulgurant. A l’époque, on a même surnommé la Moselle « le Cléveland de la France ». Le secteur d’Ars sur Moselle n’est pas en reste et les demandes de concessions et de constructions d’usines à fer affluent entre 1837 et 1848. La voie ferrée Paris Metz Sarrebruck est en voie d’achèvement et sera opérationnelle en 1852. Ce qui incite industriels et investisseurs à se partager le secteur, partout où le filon affleure. Certains font faillite, d’autres revendent les concessions sans même les exploiter. Dès 1837, le meunier F. Pillot du Moulin de la Mance découvre du minerai de fer sur son terrain. Mais il ne pourra donner suite à ses projets d'y établir une usine à fer. De 1837 à 1889, Ars a vécu sa « révolution industrielle ». Deux associations de propriétaires se partageront le secteur minier qu’ils exploiteront dans trois usines :
Durant cette époque, 11 hauts fourneaux ont transformé la minette lorraine en fer. Deux hauts fourneaux chez Karcher et Westermann, neuf chez Dupont Dreyfus. (En 1873, deux hauts fourneaux fonctionnaient également à Novéant sur Moselle). 2000 ouvriers travaillaient à Ars. Mais aucun de ces industriels n’a su prendre le tournant technologique de l’acier. De Wendel y a sans doute joué un rôle en s’appropriant l’exclusivité de la technique du procédé Thomas. Ils n’ont pas su non plus diversifier leur activité avec de la fonte de moulage comme à Pont à Mousson. Cette activité minière ne durera qu’une quarantaine d’années, une génération. La pauvreté du minerai, le coût du transport et le prix de revient de la fonte vont contraindre les propriétaires à fermer leurs mines. Celle de la Charbonnière fermera en 1884 et celle de la Mance, en 1888.
2. Rapports de visite d'élèves ingénieurs de l'Ecole des Mines de Paris. Comme souvent, lorsqu'on se penche sur l'histoire métallurgique d'une région, on a peu de documents et de renseignements sur ce qui concerne les mines. Ce travail de l'ombre est pudiquement mis de côté. C'est pourtant grâce à ce minerai durement arraché sous terre que les forges ont pu fonctionner. Rendre hommage à ces mineurs n'est que justice, comme ce monument qui leur est dédié et qui fut inauguré à Lavrio (Grèce) en 2004 : "Dans l'obscurité des galeries
C'est pour cette raison que les mémoires des élèves ingénieurs de l'Ecole des Mines de Paris sont de précieux et rares documents. De 1857 à 1875, sept d'entre eux sont venus visiter les mines et usines d’Ars sur Moselle.
Les rapports de visite des élèves ingénieurs de l'Ecole des Mines de Paris. Géologie du minerai de fer en Moselle. M. Vicira. Elève ingénieur. 1868/1869. Minières Karcher/Westermann et Dupont/Dreyfus. 1857. M. Julien. Elève ingénieur. Minière et usines Dupont et Dreyfus. 1858. M. Brossard. Elève ingénieur. Métallurgie du fer à Ars sur Moselle. 1868 . M. Langlois. Elève ingénieur. Usines Karcher/Westermann et Dupont/Dreyfus. 1869. M. A. Olay. Elève ingénieur. Minières Dupont et Dreyfus. 1869. M. A. Olay. Elève ingénieur. Minières de la Mance. Karcher et Westermann. 1869. M. A. Olay. Elève ingénieur. Mines d'Ars sur Moselle. 1869. M. Vicira. Elève ingénieur. Mines et usine St Paul. Dupont et Dreyfus. 1875. Elève ingénieur non identifié.
3. Témoins encore visibles aujourd'hui. Et aujourd'hui ? La nature a repris ses droits. Le BRGM, dans le cadre de sa politique de mise en sécurité des mines orphelines, a rebouché les entrées des galeries. Néanmoins, des indices dans les forêts d'Ars sur Moselle sont encore les témoins de l'intense activité qui y a régné. Témoins encore visibles aujourd'hui, en 2022.
4. Repères historiques.
4.1. François Pillot et le moulin de la Mance. 1837 à 1849.
On parle de François Pillot, meunier au moulin de la Mance, comme étant le premier à avoir trouvé des affleurements de minerai de fer sur sa propriété. Précurseur malheureux, il lui faudra 12 ans de procédure pour arriver à un arrêté d’autorisation pour construire une usine à fer (de 1837 à 1849) ! F. Pillot a interrompu par deux fois ces démarches pour des raisons qui ne sont pas explicitées, de 1838 à 1843 et de 1844 à 1846. Le moulin de François Pillot date de 1843 (date sur le fronton de la porte d’entrée), peut-être ne pouvait-il pas mener de front ces deux activités... Des oppositions des propriétaires des papèteries et des moulins en aval seront motivées par des risques sur la pureté de l’eau ainsi que par la création de bassin de rétention qui pourraient entraver la bonne marche de leurs établissements. Le problème de la pureté de l’eau est résolu car il n’y aura pas de lavage du minerai. Les résidus du bocard à crasse et laitier ne devraient pas être entraînés loin en aval. La création d’un canal de dérivation de l’eau et d’un déversoir supprimeraient le risque de modifier le débit du ruisseau. Une troisième opposition de la mairie d’Ars sur Moselle concerne la viabilité des chemins publics qui serait entravée par l’ouverture du canal. Pour y remédier, F. Pillot s’engage à construire, à ses frais, un aqueduc pour faire passer ce canal sous le chemin. Plus rien ne s’oppose alors à ce que le décret d’autorisation lui soit accordé en 1849. Pourtant, F Pillot n’engagera jamais les travaux projetés. Seule une galerie de mine, aujourd’hui rebouchée, sera creusée. Elle reste visible sur un plan de la concession voisine (Karcher et Westermann. 1847). Un arrêté du Président du Conseil lui attribue, le 25 septembre 1848, la concession de la Mance (Annales des Mines. 1848, série 4, volume 14. Pages 551,552). Il était fréquent à l’époque de commencer les travaux avant d’avoir reçu l’autorisation ministérielle.
4.2. Dupont et Deryfus. 6 juin 1846 : demande de concession minière 28 octobre 1846 : Demande de construction d’une usine à fer. 18 juin 1848 : autorisation accordée de construire l’usine de St Benoit. 25 septembre 1848 : Arrêté du Président du Conseil qui autorise la concession de la Charbonnière.
1850 : Ils rachètent à Gautiez et Renault la concession de Varraines et leur usine en construction de St Paul. Ces derniers, vers 1846, envisagent la construction d’une usine à fer au Champ St Paul et font deux demandes de concession minières pour Varraines. Ils déposeront le bilan le 5 septembre 1848. Dupont et Dreyfus abandonnent leur concession de La Charbonnière au profit de la mine de Varraines. Des galeries relient les deux mines. Novembre 1852 : inauguration de la ligne de chemin de fer Frouard Metz Sarrebrück. 1860 : trois nouveaux hauts fourneaux sont construits à St Benoit.
1865 : grève des ouvriers. 1867 : abandon de la fonte au bois.
1869 : Les usines d’Ars sur Moselle consomment 135 000 tonnes de minerai et emploient 2000 ouvriers. 1870 : les Prussiens occupent Ars sur Moselle. Les hauts fourneaux sont éteints et les usines arrêtées. 1871 : lente reprise de l’activité. En 1872, on retrouve les chiffres de production d’avant la guerre. 1872 : Dupont et Dreyfus optent pour la France et s’installent à Pompey. 1873 : Ils vendent leurs usines 15 millions de francs. Création d’une société allemande Lothringer Eisenwerke (Les forges lorraines). 1873 : une dépression qui va durer 8 ans touche durement les usines d’Ars qui sont contraintes de vendre à perte. 1884 : fermeture de la mine de la Charbonnière.
4.3. Karcher et Westermann. 1842 : Karcher et Westermann ouvrent un atelier de fabrique de pointes, rivets, chaînes et fil de fer. Ils achètent la fonte et le fer notamment en Haute Marne. Cette usine emploie 80 ouvriers et ouvrières. 1846 : Après l’incendie de leur usine, ils reconstruisent et étendent leurs acticités à la fabrique d’ustensiles de cuisine en fer étamé. 1848 : Concession de la Mance2 août 1851 : Demande de construction d’une usine à fer. 23 avril 1853 : Décret impérial autorisant la construction de l’usine à fer. 1856 : Autorisation de construire deux hauts fourneaux. 1860 : Mise en marche des hauts fourneaux. 1862 : Création d’une voie ferrée à l’emplacement actuel des rues Wilson et de la Ferrée. Les wagons sont d’abord tirés par des chevaux puis par une locomotive à vapeur, en 1882.
1863 : Gravure de l’inscription « KW 1863 » à l’entrée de la galerie de la Mance. Extension de la concession avec celle de Gorgimont initialement attribuée à De Wendel et Théodore Gargan. 1873 : Karcher et Westermann restent en pays annexé. Certains actionnaires optent pour la France. 1885 : Arrêt des hauts fourneaux.Juillet 1888 : Dépôt de 27 juillet 1889 : Destruction des hauts fourneaux et vente des machines.
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