Dimanche 22 août.
La malédiction du Triangle de la Burle a frappé aujourd’hui ! Un moment d’inattention, une mauvaise interprétation de la carte et voilà que je me mélange les pinceaux sur les nombreux GR qui sillonnent la région. Je monte sur Sagnes et Goudoulet (je remonte vers le nord !) et je continue vaillamment dans mon erreur jusqu’à ce que je me rende compte qu’il y a quelque chose qui cloche… J’arrête un vététiste : « Le col de la Chavade, c’est par où ? ». « C’est pas du tout par là ! » Demi tour et me revoilà pratiquement à mon point de départ de ce matin. Une demi-journée pour rien ! Ça énerve et ça fiche un coup au moral ! Plus loin, je croise un autre marcheur solitaire équipé d’un vieux topoguide de 1983. On est paumé tous les deux !
Entre les changements d’itinéraire, les variantes, on s’y perd. Je sors mon téléphone et un petit coup de Géoportail ainsi que l’aide d’un couple de promeneurs nous remettent sur le bon chemin. On en profite tous les deux pour leur demander un peu d’eau… ils sont à leur voiture et leur journée est terminée. On grimpe vers le lac Ferrand. Je laisse mon compagnon de misère qui s’arrête dans un gîte. Je continue encore un peu pour poser la tente à 17 heures : 9 heures de marche pour pas grand-chose ! Deux soupes et au lit !
Lundi, 23 août.
Journée bien meilleure que celle d’hier ! Départ vers 7h45, une vraie grasse matinée ! Faut dire qu’il ne fait pas chaud et je commence à marcher avec deux couches sur moi, coudes au corps et tête rentrée dans le coup. Un fort vent du nord va souffler toute la journée, j’en ai encore plein les oreilles, ce soir. De très beaux sentiers et de superbes points de vue mais, les doigts un peu gourds, je rechigne à sortir l’appareil photo.
Col de la Chavade, enfin ! Un routier fermé mais une petite auberge sympa. Je m’y arrête pour apprécier ‘’le repas du randonneur’’. Je m’apprête à quitter ce petit coin chaud quand arrive mon compère d’hier. Bonne rencontre qui réchauffe le cœur. On ne se connait pas vraiment mais on a déjà une histoire en commun et les mêmes façons d’envisager les randos : « n’y en a pas beaucoup qui marchent avec des gros sacs » qu’il me dit. Je lui laisse la place et on se quitte une nouvelle fois.
Le col de Bez, sa piste d’envol pour parapente et je continue sur une belle crête jusqu’au phare d’Abéouradou, une des œuvres d’art placée sur la ligne de partage des eaux dans les Monts d’Ardèche. Un phare planté au milieu de nulle part… à l’intérieur, un escalier en colimaçon monte au sommet de la tour où de petites fenêtres s’ouvrent sur l’horizon en un fantastique panorama à 360°. Entre chaque ouverture, des étagères emplies de livres, extraordinaire (une géocache y est cachée bien sûr) ! Je ne pouvais laisser passer l’occasion, il me fallait dormir ici, trop tentant. Moi qui gamberge depuis longtemps sur une histoire qui reste à écrire, d’un phare planté en pleine montagne et dont on continue à alimenter le feu pour qu’il signale à d’étranges vaisseaux une voie cosmique à suivre… Là, je délire mais ce phare placé sur ma route est un signe. Il aurait été sacrilège de ne pas y faire halte. Le vent du nord souffle toujours, la structure bouge un peu, ça siffle dans les haubans, la nuit sera sans doute bruyante, qu’importe !
Mardi, 24 août. Nuit sereine dans mon phare haut perché et secoué par les bourrasques du vent du nord. Quelques sorties nocturnes mais on ne traîne pas dehors. De rares lumières perdues dans la houle verte et la pleine lune, éclatante, jette sa lumière sur ce décor des confins du monde. Lever 6 heures et départ avec deux couches sur le dos. Le vent, toujours lui, souffle, siffle et me parle de Bob Dylan et d’Hugues Aufray. Bon, mais moi, je file vers le sud. Quelques montées plus tard, je me suis épluché comme un oignon et ça va mieux à condition de ne pas traîner ou de s’arrêter à l’abri des arbres.
Notre Dame des Neiges où je ramasse une petite géocache en passant et voici La Bastide Puylaurent où je croise le Chemin de Stevenson… y a du randonneur ! De tout style, de toute allure et même des ânes ! Il y a du monde sur ce sentier devenu très populaire après la sortie du film… Dix ans en arrière, fin octobre, on était tous seuls ! Il n’est pas encore midi… que fais-je ? Finalement, j’opte pour l’option hôtel, une petite douche fera du bien. Le village est tout petit et je passerai l’après midi à traîner, à faire la sieste… et à recharger sur ma liseuse tous les livres qu’elle avait perdus, Léonardo Padura et Mario Condé, James Lee Burke et Robicheaux, fidèles compagnons que je retrouvais le soir, bien au chaud dans mon sac de couchage.
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