Mercredi, 1er septembre.

Je quitte avec regret les gorges de la Vis et le Mas du Pont, encore une bâtisse que j’achèterais bien…

 

 

Il fait encore frais et ça monte bien, ce matin. Je fais le plein d’eau à une borne fontaine de St Maurice de Navacelles. Je vais consommer aujourd’hui, je le sens et ce n’est pas le moment de parier sur d’hypothétiques points d’eau. La ligne de partage des eaux ? Sur les Causses ? Il n’y a pas grand-chose à se partager…

Les longues tirées sur les Causses sous le soleil et les myriades de pyrales… il fait soif et mes réserves fondent à vue d’œil. Un dernier ravitaillement en eau à la Vacquerie dans un chantier de rénovation, y a que ça que j’ai trouvé mais de l’eau c’est de l’eau.

 

 

Arrêt ce soir au col de Mélanque qui domine Fozières et Lodève. Il me reste une bonne descente pour y arriver, ce sera pour demain.

 

 

Jeudi, 2 septembre.

 

 

Je pensais que ça allait descendre jusque Lodève… J’avais lu trop vite la carte ! Après Fozières, ça remonte pas mal, ma foi.

 

 

Lodève, un petit centre assez actif, autour des halles. Le reste est un peu en déshérence comme beaucoup de ces bourgs, partout en France. Dans quel état seront-ils dans dix ans ? Achat de pain, un saucisson et un sandwich que je mangerai plus loin. Mais je n’ai pas trouvé de gaz et ma bouteille est presque vide.

Longue montée ensuite pratiquement jusqu’à la chapelle St Amans. Heureusement que le soleil est caché aujourd’hui. Journée un peu tristounette sous un ciel gris qui colore le paysage de teintes ternes et monotones. Un robinet bien placé au col de la Fricherie… ça fait du bien de pourvoir boire sans se priver !

 

 

A la chapelle où je pensais monter la tente, c’est un peu trop venteux à mon goût surtout que la pluie est attendue pour cette nuit. Un groupe de vététistes me proposent leur aide, boisson, chocolat, hébergement… sympa mais j’ai tout ce qu’il faut, pas vraiment et je regretterai plus tard de ne pas avoir accepté le chocolat.

 


Il pleut sur le massif du Caroux, au loin...

 

Je descends jusqu’à la croix au bord du chemin bordé de haies riches en mûres juteuses et sucrées. Je ne sais plus où donner de la bouche. Un couple en 4X4 vient se garer juste à côté, on discute un peu. Je leur dis que je vais planter la tente ici, à l’abri du vent d’est derrière une haie. C’est à leur tour de me proposer un hébergement mais ça m’éloigne de mon chemin et je décline l’offre. Je suis bien ici !

 

 

 

Vendredi, 3 septembre.

 

 

Drôle de journée… quelques gouttes, le matin, me font sortir le protège-sac mais ça ne durera pas. Le ciel est noir partout où je regarde.

Superbe château à Dio. Il est éclairé par un spot de lumière sous un ciel anthracite. L’église romane du village lui fait écho sur une colline voisine… le sabre et le goupillon !

 


Château de Dio.

 

Il faut absolument que je trouve du gaz aujourd’hui. J’ai vidé ma bouteille avec le café de ce matin. Hier, je comptais sur Lodève mais je n’ai rien trouvé. Rien non plus, ce matin, à La Tour sur Orb… Pas d’autres solutions que de descendre à Bédarieux… mais le stop par ces temps qui courent ce n’est pas gagné… je vais me taper un max de macadam à me faire frôler les fesses par les voitures !

Résultat des courses, je trouve ce qu’il faut à Bédarieux et c’est reparti pour le macadam sauf pour les derniers kms où, par chance, j’arrive 5 minutes avant le passage d’un bus qui m’emmène jusque Lamalou les Bains. Je ne me pose pas la question et ce sera hôtel ici, ce soir. Dehors, il pleut mais c’était prévu. La météo annonce du beau pour demain. Y a intérêt… parce que le Caroux m’attend avec ses presque 1000m de dénivelé.

 

Samedi, 4 septembre.

Départ à 7h de l’hôtel… oui le petit déj est servi dès 6h30 pour les curistes Je dénote un peu avec mon look à grosses godasses dans la salle à manger. Les rues sont encore quasi désertes et le jour pointe doucement sous un ciel très bas. Les nuages s’accrochent aux cimes des sapins et m’escortent le long du chemin en lacets qui s’élève lentement mais sûrement.

 

 

 


De curieux bardages en plaque d'ardoises.

 

Ça monte tout de suite (je mettrai 5 heures pour arriver au sommet du Caroux). Rapidement, le soleil perce et une mer de nuages recouvre le fond de la vallée. C’est toujours une belle sensation que de traverser ces hameaux déjà baignés de soleil et dont l’église, accrochée sur des versants abrupts, pointe dans le ciel bleu alors que des volutes de brume ennoient les vallées.

 

 

Ça monte toujours. Quelquefois une petite descente mais c’est pour remonter de plus belle. Quelques brèves rencontres, deux mots échangés qui vous occupent l’esprit plus longtemps que l’échange n’a duré.

La croupe du Caroux recouverte de bruyère et de tourbières apparait de plus en plus nettement. Au loin, on devine la mer et les Pyrénées perdus dans une brume bleutée qui efface les détails.

 

 

Je ruisselle dans les dernières montées et je suis obligé de sortir mon foulard pour bloquer la sueur qui me brûle les yeux.

 


Un petit point d'eau pour se débarbouiller la figure...

 

Je comprends que le Caroux attire autant de randonneurs. Il a quand même plus fière allure que le Mont Aigoual…

 

 

Descente casse-pattes vers le refuge des gorges d’Eric où le cocktail bière d’abord puis coca ensuite me booste pour la dernière montée jusqu’au col de Badou où je plante la tente dans un bois de chênes… le sol est bien pentu mais qu’importe, la journée fut bien belle !

 

 

 

 

Dimanche, 5 septembre.

Le hameau de Badou est encore bien désert à 7h du matin. De petites ruelles étroites, quelques maisons de pierres qui se confondent avec le paysage dans un clair-obscur qui rend l’endroit fantomatique. Mais je ne trouve pas d’eau et je sais que je vais en consommer aujourd’hui. Mes réserves sont maigres… et je ne sais pas encore que va débuter une bien rude journée !

 


Belle voie pavée !

 

400 mètres de dénivelé seulement… je ne sais pas si c’est moi qui n’aie pas la forme aujourd’hui, toujours est-il que c’est une sacrée grimpette. Arrivé au refuge désert et fermé de Les Bourdils, une source me permet de remplir mes bouteilles. La totale, 2,5 litres d’eau… je préfère encore porter que crever de soif.

Longue tirée de piste jusqu’au col de Fontfroide sur laquelle je dépanne un promeneur en manque de feuilles à rouler les cigarettes et c’est l’occasion de discuter un peu, notamment du beau menhir dressé dans une pâture qui domine un paysage vallonné.

Au col, deux personnes me disent que je pourrai trouver de l’eau vers le lac de Vézoles ou à une auberge sur la route qui descend vers St Pons. Mais ça, ce n’est plus pour aujourd’hui… En attendant, ils me donnent le reste de leur gourde, un demi litre d’eau, précieux et inestimable présent !

 

 

Je plante la tente un peu tôt (16 heures) mais basta pour aujourd’hui… j’entame une sieste de deux heures, un bol de semoule, une soupe et une bonne nuit réparatrice !

 


Belle rencontre...

 

Lundi, 6 septembre.

Bien bonne nuit dans ce bois de sapin et la forme est au rendez-vous ce matin. Je vais d’un bon pas sur la piste forestière qui m’emmène au lac du Saut de Vézoles. Son niveau me semble bien bas en amont de la retenue mais cela fait longtemps que je n’avais pas vu une telle étendue d’eau. Elle miroite sous le soleil levant et les sapins s’y reflètent. Un beau sentier fait le tour du lac avec des endroits de bivouac « trois étoiles » mais ce n’est pas encore l’heure…

 

 


L'entaille du Saut de Vézoles.

 

Une petite géocache en passant au pied de l’Oreille d’Aze et je continue ma route vers l’ouest.

Deux cyclistes me disent que l’auberge du Cabarétou (au col, sur la route de St Pons) est ouverte. Je décide de shunter une boucle que fait le GR7 et j’y file… j’ai faim et je n’ai plus d’eau… Malchance, cette auberge est fermée tous les lundis ! Je peux quand même y faire le plein d’eau. Sur ma carte un chemin permet de rattraper le GR7 vers le Signal de St Pons. La trace est discrète car peu utilisée mais c’est faisable.

Je retrouve le GR7 qui suit une longue piste forestière que je vais suivre jusqu’au début de la descente vers la Bastide Rouairoux. Je plante la tente mais il n’y a pas de réseau et je ne peux donner des nouvelles à Tom pour un hypothétique rencard demain soir où on aurait pu partager un bivouac en famille !

Je retourne toutes les possibilités qui s’offrent à moi pour les jours suivants… Après moultes hésitations, je décide pour demain, à la Bastide, d’essayer de prendre un bus jusque Mazamet, histoire de gagner un jour pour le rendez-vous pris avec un copain devant un cassoulet à Castelnaudary. Ça commence à sentir la fin…

J’ouvre mon dernier sachet de semoule et je ferme les yeux après quelques pages en compagnie de Padura et de Mario Condé.

 

 

Mardi, 7 septembre.

Je sors de la tente un peu avant 6 heures. Un brouillard dense s’égoutte le long des feuilles des arbres. Remplir son sac à la lumière de la frontale, chauffer un café, rouler la tente toute détrempée, des gestes lents mais efficaces… Y a du plaisir pour celui qui sait le prendre là ou tout un chacun n’y verrait que galère !

Le camp démonté, le sac sur les épaules, je me laisse avaler par le brouillard. Au détour d’un virage, je tombe sur un dolmen qui me regarde passer. Il a l’air de se demander ce que je fais ici…

 

 

Descente tranquille jusqu’à la Bastide Rouairoux. Encore un bourg qui a vécu jadis ses heures de gloire et qui n’attend plus rien… Le ciel est noir d’encre et les façades des maisons avec ces curieuses plaques d’ardoise en guise de bardeaux, accentuent encore, ce matin, le côté sombre de ce creux de vallée au pied de la Montagne Noire.

 

 

Un bus me prend jusque Mazamet. Arrêt devant la gare… un train part dans huit minutes… Castelnaudary cet après-midi… j’hésite un peu et basta, on y va !! Mon périple pédestre se termine donc ici sur le quai d’une gare…

A nous deux, Castelnaudary, capitale du cassoulet, j’en rêve depuis si longtemps !

 


Castelnaudary.

 

 

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